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  • Une prison pour la porte

    Vous connaissez surement l’expression « aimable comme une porte de prison », pour définir une humeur plutôt massacrante. Mais que nous ont fait les portes de prison pour que nous disions cela ? Si ça se trouve, les portes de prison sont les plus gentilles choses au monde. Dans un univers carcéral où la vie n’est pas toujours facile, les portes essaient peut-être de communiquer et de réconforter chaque être qu’elles enferment. Mais le seul problème, c’est que nous ne les comprenons pas. Alors nous, humains que nous sommes, ne comprenant pas le monde qui nous entoure, nous définissons un caractère aux choses de par les fonctions qu’elles occupent. Alors forcément, une porte qui est dans une prison, pour nous, et bien c’est quelque chose de mal.

    Ce qui nous amène à la plupart des films Pixar, Dreamworks ou Walt Disney, tels que Toy Story, Planes, Turbo et j’en passe, dans lesquels les héros possèdent une volonté propre et décident de se rebeller contre leur propre nature (un avion épandeur veut devenir un avion de course ou encore un escargot veut être plus rapide que des voitures de course). Imaginez alors si chaque chose qui nous entoure possédait sa volonté propre. Une fourchette ne voudrait peut-être pas exercer le rôle de fourchette, mais celui de cuillère, ou bien de pic à glace. Et chaque jour, nous leur rappelons le contexte que nous leur avons créé sans se soucier le moins du monde de leurs souhaits.

    Tout ça vous rappelle peut-être votre enfance, quand vous imaginiez que chaque peluche, chaque jouet, étaient vivants. L’époque où nous pensions que chaque objet pouvait ressentir quelque chose. Comme les chandeliers de La Belle et la Bête où les livres magiques de Merlin l’enchanteur. – Tiens. Je vais vous raconter quelque chose sur moi (c’est rare). Quand j’achète mes livres, toujours par paquet de 5 minimum, je me retrouve généralement avec un stock frôlant facilement la vingtaine. Et parfois, j’ai réellement des livres qui me tentent atrocement. Mais je me retiens, car j’en avais déjà acheté avant. Je me mets à leurs places et je me dis que je n’aimerais pas qu’un livre acheté en dernier soit lu avant moi. Alors du coup je lis mes livres suivant leur ordre d’achat. Je vous entends déjà dire que je suis psychorigide. Chacun sa manière de lire ses livres. Personnellement, je trouve cela plus « juste » envers eux. – Quand nous étions enfants, nous avions cette imagination, ou peut-être tout simplement cette naïveté envers le monde qui nous entoure. Mais parfois j’aime à croire que ces objets ont peut-être une « âme ». Après tout, l’habit ne fait pas le moine.

    Alors ce soir, demain ou la semaine prochaine, faites plaisir à une de vos assiettes qui a toujours rêvée d’être un frisbee, à un néon qui n’attend qu’une chose, être transformé en sabre laser, ou bien encore à vos couettes qui imaginent le jour ce que peuvent ressentir les plus solides forteresses.

  • Prison de retraite

    Hier je suis allé dans une maison de retraite avec mon grand-père. Point d’inquiétude, il ne visitait pas, il allait simplement voir un ami à lui. Du coup il visitait oui. Mais pas pour y aller. Même si on y est allé. Enfin bref, vous me comprenez.

    Avant même d’entrer sur le parking, de hauts murs et grilles nous bloquent le passage. Je fus presque surpris de ne pas apercevoir un corridor.

    Après un magnifique rangement en bataille arrière digne des plus grands pilotes de voitures de ville lors du concours mondialement connu de rangement de voiture, nous nous sommes dirigés vers la porte d’entrée. Première difficulté, ouvrir la porte. Afin de contrôler toutes entrées et sorties, il faut sonner et attendre que quelqu’un daigne nous ouvrir. Quelques secondes plus tard, la porte en verre coulisse pour nous faire entrer dans le sas. La deuxième porte en verre s’ouvre, pour sa part, seule.

    Nous entrons dans la pièce de vie, une grande salle agencée de tables rondes et de chaises. Mais rien à voir avec Lancelot et ses comparses. Non ici reigne plutôt une ambiance morbide. Les rois du triomino côtoient les reines du bridge, tous en fin de règne. Leurs heures de gloire sont loin derrière eux. Ils essaient cependant de retrouver ces moments d’anthologies dans cette antichambre du cimetière.

    En attendant que la femme à l’accueil se libère, nous sommes livrés à cette meute assoiffée de compagnon au sang frais pour retrouver leur jeunesse d’antan. Puis mon papy va voir son ami et je me retrouve seul, sur mon fauteuil, à lire mon livre (Drood, de Dan Simmons, incessamment sous peu dans ma chronique littéraire).

    Le livre ne m’empêche pas de jeter quelques coups d’œil dans la salle. Je m’aperçois alors qu’il y a différents types de pensionnaires dans une maison de retraite; ceux en fauteuil roulant, les personnes en déambulateur, les autres simplement avec des cannes ou bien ceux encore assez mobiles pour n’avoir besoin de rien, il y a ceux qui demandent toujours de répéter, certains qui racontent toujours les mêmes histoires datant de leur jeunesse, d’autres qui ne comprennent pas les règles même après 10 explications et bien sûr ceux qui ne font rien, qui restent fixes à regarder dans le vide sans le voir. Dans ce super marché de la pathologie, mon cerveau n’a plus qu’à choisir laquelle il désire me donner pour ma propre vieillesse.

    Quel plaisir de vieillir quand nous disposons d’un tel aperçu. Les plus vieux parqués dans des « maisons » n’étant plus capable d’aller aux toilettes seuls, dépendant de l’État, de la société et d’hommes et femmes portant des crocs. Oui oui, des crocs. Comment peut-on avoir confiance dans ce type de personne ? Je vous le demande ! C’est, je trouve, le signe avant coureur du côté malsain de ces établissements. Lieu de mort, suivez la ligne verte mes prédécesseurs, vous n’êtes plus que des animaux prêts à l’abattoir. On se reverra bientôt.

    Mon papy ressort 20 minutes plus tard, lasse. Son interlocuteur, heureux de le voir, lui avait tenu la jambe. Effectivement, peu de personnes saines d’esprit osent s’aventurer dans ces lieux. Gandalf lui-même, gris ou blanc, n’aurait pas osé le faire et nous aurait dit « Fuyez, pauvres fous », en prenant, comme nous, ses jambes à son cou.

    Puis nous sortons par là où nous sommes rentrés. Ou plutôt, nous essayons de sortir. Car si la première porte s’ouvre sans difficulté, il nous faut trouver le stratagème pour déjouer le blocage de la deuxième. Plusieurs interrupteurs s’offrent à nous. J’appuie sur un, rien. Le deuxième, toujours rien. Le troisième de l’autre côté, choux blanc une fois de plus. Je nous pensais bloqué à jamais, prisonniers, le piège de ces succubes s’étant refermé sur nous. Puis, sorti de nul part, un aide soignant vient à notre rescousse. Il appuie sur les deux premiers interrupteurs et le sésame fit ouvrir la porte. Je n’ai jamais réentendu parler de cet homme. Je n’ose imaginer ce que les autres lui ont fait.

    Dès que nous passâmes en voiture  la grille, frontière entre le monde des presque morts et le monde des vivants, je fus soulagé de quitter ce couloir de la mort.