Étiquette : théâtre

  • Station Eleven de Emily St. John Mandel

    Station Eleven Emily St John Mandel

    J’avais lu dans un livre il y a plusieurs années : « La vie n’est qu’une ombre qui passe. Un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus. C’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien« . Et étrangement, cette citation colle bien avec Station Eleven.

    L’idiot s’appelle Arthur Leander, se pavanant tant bien que mal dans son ultime interprétation du roi Lear, qu’il interprêtera jusqu’à sa crise cardiaque sur scène, les projecteurs braqués sur lui.

    L’idiot s’appelle Jeevan, ancien paparazzi, ancien journaliste people, ancien barman et futur médecin, qui se lance sur scène pour effectuer un massage cardiaque, seule chance de sauver le célèbre Arthur Leander, dont le cœur vient de s’arrêter.

    L’idiote s’appelle Kirsten, jeune comédienne qui, quelques secondes plutôt, interprétait encore une des trois petites filles du roi Lear dans cette nouvelle adaptation, qui sera prise en charge quelques minutes par Jeevan avant de retrouver son accompagnatrice.

    L’idiot s’appelle Clark, ancien meilleur ami d’Arthur, qui devra annoncer à sa famille la mauvaise nouvelle.

    L’idiote s’appelle Miranda, première ex-femme d’Arthur, dessinatrice de comics et cadre supérieure en déplacement en Asie.

    Les idiots s’appellent Elizabeth et Tyler, deuxième ex-femme et fils d’Arthur, habitant en Israël, qui se rendront plus tôt que prévu à New-York.

    Bien loin de se douter de ce qui se trame actuellement, toutes ces personnes ont vu leur vie changer suite à la mort de l’ancien acteur et désormais ancien comédien. Bien loin de se douter, pourtant, que leur vie va radicalement changer suite à la mort de 99,9% de la population mondiale.

    Le son des trompettes résonnent, pour certains c’est l’apocalypse, le glas de Dieu qui s’abat sur l’Homme pour le laver de ses péchés, pour d’autres, ce n’est qu’une répétition, accompagnée de violons, de guitares et de comédiens. La Symphonie est en route, elle traverse les territoires hostiles pour que dans chacun des cœurs résonne Shakespeare et pourquoi pas, avec lui, le roi Lear.

    La vie est faite de destins croisés, de destins qui ne se sont jamais croisés, de destins qui ne se croiseront jamais ou qui se croiseront dans le futur. Et Station Eleven nous le rappelle, dans cet univers post apocalyptique, pour nous rappeler qu’il faut chérir la vie, car elle n’a pas de prix.

    Et si, sans un bruit, le court de la vie s’arrêtait, sans préambule, sans premier ni dernier acte, seulement avec l’épilogue dans lequel vous êtes. Pourriez-vous dire que vous ne regrettez rien ? Que cet épilogue n’est qu’en fait le préambule de cette ombre qui passe dont vous êtes l’acteur qui se pavane et s’agite ?

    Ce roman est splendide. Construction décousue entre le passé, le présent, l’ici et l’ailleurs. J’en avais entendu parler à la télévision lors de sa sortie mais la chronique ne m’avait pas préparé à vivre cette aventure.

    Les trois coups résonnent, silence, éteignez votre téléphone, installez-vous confortablement et venez admirer les idiots se pavaner.

  • Faust de Goethe

    Faust Goethe

    Bien mal acquit ne profite jamais. Surtout quand c’est grâce au diable. Si Faust était une fable de la Fontaine, voilà quelle serait la morale. Mais revenons un peu en avant.

    Diable et Dieu s’ennuient à mourir. Mais comme ils sont immortels, ils ne peuvent mourir et doivent donc trouver des occupations. Et quoi de mieux que de jouer avec des mortels quand l’ennui l’est lui aussi ?

    Faust est, bien malgré lui, le pion sur l’échiquier invisible.

    D’un côté, Dieu soutient que cet homme, qui se juge comme son égal, lui est dévoué. De l’autre Diable, sûr et certain qu’il pourra le faire chavirer du côté obscur.

    Le docteur Faust est un homme intelligent et talentueux dans de nombreux domaines. Voulant être l’égal de dieu, il se lasse du commun des mortels et ne comprend pas pourquoi un homme de son rang ne peut s’élever plus haut. Alors déçu par un dieu dont il pense être rejeté et attiré par le diable dont il pense pouvoir se jouer, il accepte le marché suivant : le diable devient son serviteur et le sert jusqu’à ce qu’il meurt. Son âme reviendra ensuite au diable, comme un trophée de chasse dont il pourra se pavaner auprès de dieu.

    Faust de Goethe n’a pas été une partie de plaisir ! On passe sur la dimension ésotérique qui n’est pas ma tasse de thé pour ensuite se prendre les pieds dans un langage soutenu de l’époque et donc des mœurs différentes.

    Mais j’ai surtout fait l’erreur de lire cette pièce avec mon esprit d’homme du XXIème siècle. Pour moi, Faust ne pouvait que se déjouer du mal. Ça ne pouvait pas en être autrement. Nous sommes plus malin que le mal lui-même bon dieu ! Et bien non. Dommage Barthélémy, tu ne t’es pas mis dans la bonne époque. Ton référentiel n’est pas la référence, tu devrais le savoir !

    Faust n’en est pas pour autant un mauvais ouvrage. Non, c’est un grand classique et il le mérite. Mais je regrette de ne pas l’avoir abordé dans de meilleures dispositions.

    J’ai ouvert le chemin, vous en savez plus que moi à l’époque, à vous de jouer du coup !