Une de mes collègues qui est en alternance passe actuellement 2 semaines à l’école. Elle est partie vendredi dernier. Cela fait donc moins d’une semaine qu’elle n’est plus parmi nous. Et pourtant, en à peine 4 jours, son bureau a été pillé. Dès le premier jour, elle avait déjà perdue son agrafeuse, sur laquelle elle avait pourtant scotché son nom, et un stylo. Les jours qui suivirent, elle perdit un stabilo, un bloc de post-it et aujourd’hui c’est sa chaise. Hier, sa calculatrice était également à deux doigts de partir.
Mon CDD se termine dans 11 jours. Combien de temps va-t-il leur falloir pour raser mon bureau ? Malheureusement pour eux, je n’ai que 2 stylos et un bloc de post-it dont je ne me suis jamais servi. Du coup, en une journée la braderie devrait se terminer. Mais ensuite, combien de temps pour récupérer ma souris, mon ordi, mon clavier et ma chaise ? Une semaine ? Deux semaines ? Je vous le disais plus tôt, l’être humain est temporaire.
Temporaire non seulement physiquement, mais aussi mentalement. Dans 11 jours, j’aurais passé 6 mois dans cette entreprise, soit précisément 183 jours. Et pourtant il leur en faudra beaucoup moins pour m’oublier, ne plus réussir à mettre un nom sur un visage, un visage sur un nom.
Si l’être humain est autant temporaire, serait-ce à cause du fait qu’il n’est pas irremplaçable ? Je vous entends déjà monter sur vos grands chevaux. Et pourtant, combien de personnes avez-vous déjà oubliées depuis votre naissance ? Des clichés en noir et blanc ou en sépia que gardent vos parents dans une boîte au grenier ou à la cave, qui reconnaissez-vous ? Vous souvenez-vous de vos camarades de primaire, de collège, de lycée ; sur cette photo de classe où votre main encore maladroite avait griffonné quelques noms ?
Un prénom subsiste pour moi depuis mes 7 ans. Doréah. Je me souviens de ses cheveux noirs bouclés, de son serre tête rouge à pois noirs, de ses dents un peu écartées, de son sourire espiègle et de son regard malicieux. Mais pourquoi ? L’être humain est temporaire et pourtant je me souviens toujours d’elle, 17 ans après.
Mais même si la Doréah de mes 7 ans est gravée dans mon esprit, je n’arriverais pas à la reconnaitre. Et pourtant, lorsque je ferme les yeux, je revois encore son visage, gravé en moi, une jeunesse éternelle acquise à travers mon esprit.
Et qu’en est-il de la dizaine de personnes que je reconnais tous les matins attendre le train avec moi ? Remarqueront-ils dans quelques jours que je ne suis plus des leurs ? Ont-ils déjà remarqué mon absence lors de mes vacances ?
On nait, on vit, on meurt. On a tous une date de péremption. Je croise des centaines de gens dans une journée et aucun n’est encore présent lorsque je me couche. Si bien que s’il arrive quelque chose à l’un d’eux, je n’en saurais rien.
Alors comment faire pour atteindre la postérité, l’immortalité ? Un jour, peut-être, quelqu’un dira de vous « Oui, je l’ai connu. Je m’en souviens très bien, nous nous sommes rencontrés un mardi en attendant notre train. Nous avons bavardé et échangé sur nos vies. Une personne fort agréable et très joviale.»
Alors ouvrons les yeux, faisons attention et observons. Si l’être humain est temporaire, donnons-lui un peu d’importance. Si chacun de nous a une Doréah, l’être humain sera peut-être un peu moins éphémère.
Je pense qu’on a tous une Doréah. Le problème c’est que tout le monde n’est pas Doréah (déjà tous le monde ne s’appelle pas Doréah !). certains de nous sont donc plus éphémères que d’autres.