Les jours ont passé après ma première douche et ma première nuit à Londres. Nous avons arpenté les rues et les ruelles à la poursuite du passé et du présent de la ville, sur les traces d’Harry Potter, de Sherlock Holmes, de Henry VIII et des deux Elizabeth, I et II. Jusqu’au jour fatidique.
Mardi 31 octobre. C’est notre avant dernier jour à Londres. Celui que nous attendions impatiemment et qui est le pourquoi de notre visite. Le jour de toutes les horreurs, où les morts reviennent à la vie : Halloween.

Effet emphatique
Depuis le début de notre London trip, nous croisons des momies, des cadavres, des sorcières et des écolières, que ce soit dans la rue ou dans le métro. Ce soir est notre heure. Nos corps reflètent la noirceur de nos âmes.
Mais d’abord…un restau entre amis ! Faut pas abuser non plus, c’est notre dernier soir à Londres. Et puis même les morts et les moches ont le droit de manger un bon burger ! Non mais oh ! Et pas ho ho ho ! Lui si il est rouge c’est pas du sang, c’est à cause de Coca ! Boom je balance ! Eh ouais mon gros, this is Halloween, pas noël. Alors retourne ramoner les cheminées pour pouvoir faire passer ton gros bidon ! Et toc !
Nous dégustons donc notre dernier dîner avant de faire déguster le reste du monde. Les bières et la boustifaille s’enchaînent. Puis sonne la cloche des damnés, nous appelant à arpenter les rues en quête de bières fraîches et d’âmes en peine errant au cœur de la nuit. Rares sont les passants à avoir osé s’aventurer dans les rues. Tellement rare qu’on se rend compte que tous les bars ferment. Alors qu’il n’est que 23h30. Et que nous nous étions préparés à party all the night long. Alors nous déambulons, tels les âmes en peine que nous cherchions préalablement, à la recherche DU bar, celui qui nous acceptera pour festoyer en l’honneur des morts et des vivants : LE DERNIER BAR AVANT LA FIN DU MONDE !
Échec.
Clairement, gros échec !
Échec à tel point que nous sommes repartis la queue entre les jambes.
Allez les losers, on reprend le métro.
Mon spider sens me dit que quelque chose va arriver. Je regarde à gauche puis à droite pour découvrir ce qui me chagrine. Tel l’arbre devant la forêt, le nez au milieu de la figure, c’était tellement évident que je ne l’avais pas vu : ce petit vieux chelou en treillis. Que fait-il là ? Il est louche. Très louche ! Pourquoi ? Une intuition. Je ne le sens pas. Arrêt. Il descend. Ouf. Une asiatique prend sa place. Exactement la même place. Au millimètre prêt. Comme si, plus que l’occupant, la place avait son importance. Les néons du métro se mettent à clignoter. Que se passe-t-il ? C’est classique. Ça arrive souvent. Pas de panique. Mais si nous étions dans un film d’horreur, elle mourrait la dernière. Ou bien elle nous tuerait. Le résultat serait le même. On serait mort. Les néons clignotent à nouveau. Il vaut mieux que j’arrête de penser à ça. Nouvel arrêt. Elle descend.
Je me demande qui va prendre sa place, jusqu’au signal sonore et la fermeture des portes. Nous sommes seuls. Complètement seuls. Les fenêtres de la rame renvoient nos reflets devant l’obscurité du tunnel. Ils sont différents, non ? Je dois rêver. Mon subconscient me joue des tours. Surement à cause des néons. Les néons. Notre unique source de lumière dans ce monde souterrain de ténèbres. S’il se passait quelque chose, combien de temps avant que les secours n’arrivent. Combien de temps avant que quelqu’un sache ce qu’il nous est réellement arrivé ?
Je savais que c’était une mauvaise idée ! Ils se remettent à clignoter ! Nous ne pouvons pas leur faire confiance. Les ténèbres par intermittence se rapprochent. Nos âmes ne sont plus du tout noires mais livides de terreur. Il ne manquerait plus que…
Oh mon dieu. J’aurais mieux fait de me taire. Même si je l’ai juste pensé…
Notre métro s’arrête. Nous sommes en plein milieu de la voie. Les néons fonctionnent toujours par intermittence. Autant donc dire qu’ils ne fonctionnent pas. Nous nous regardons, incrédules, redoutant le pire. Halloween n’est plus un jeu. Et nous commençons à penser que ça ne l’a jamais été. Des visages apparaissent sur les vitres. Je n’arrive pas à savoir s’il s’agit des nôtres ou de ceux d’inconnus. Je ne me reconnais pas. Enfin je ne crois pas. Je ne sais plus quoi penser. Nous qui rigolions de cette ambiance un peu horreur… Haha. Humains débiles que nous sommes. Nous allons terminer comme cette mystérieuse femme, à hanter la station d’Elephant & Castle.
Nombreux sont ceux qui ont entendu des bruits de pas et des portes claquer quand il n’y avait personne. Elephant & Castle serait la station la plus hantée de tout Londres. A cette instant, même le plus sceptique d’entre nous (à savoir moi), doute. La légende serait vraie ? Serait-elle plus que du simple folklore ? Seul le silence nous répond.
Savoir donc que nous nous rapprochons du terminus de notre trajet en métro ne nous est d’aucun secours.
Est-ce le visage d’une femme inconnue que j’ai entraperçu par la vitre ? Ou ce n’était que celui de Cynthia ? Je n’arrive pas à me calmer. Personne n’y arrive.

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Les néons se rallument pour de bon, le métro repart. Notre périple touche à sa fin. Nous n’avons qu’une envie, fuir au plus vite ce lieu.
Les lumières de la station nous indique que l’on se rapproche de la libération. Plus que quelques mètres. Par pitié, faîtes que l’on arrive sain et sauf.
Ouf !
Les portes s’ouvrent. Au même instant, toutes les lumières du métro s’éteignent. Nous courrons hors de cette rame maudite, guidés par les lumières vertes des panneaux emergency exit. Nous nous retrouvons à être une petite douzaine à suivre ces fameuses balises de sauvetage, guidés par notre instinct primaire de survie. Mais une chose cloche. Nous ne reconnaissons pas où nous sommes. Et eux non plus. Ils se regardent, s’interrogent et nous faisons de même, voyant la panique grandir dans leurs yeux. C’est en voyant l’ascenseur que nous commençons à reprendre espoir. Notre première porte de sortie. Nous ne pensons pas une seconde au pire qu’il pourrait nous arriver une fois dedans. Il est déjà trop tard, les portes se referment. Il n’y a plus de retour arrière possible. Nous ne croisons pas les doigts. Nous n’en avons pas la force. Notre destin n’est plus entre nos mains.
Les portes s’ouvrent. Une fois de plus, notre première vision est constituée de néons aveuglant, suivie par le noir de la nuit. Nous sommes bien à Elephant & Castle si l’on en croit les panneaux. Et pourtant, rien ne ressemble à ce que nous connaissons et côtoyons depuis plusieurs jours. Nous avons l’impression de nous retrouver dans un monde parallèle au notre, où les lieux sont respectés mais pas dans leur intégralité, comme si l’univers cherchait à nous faire croire que nous étions à destination mais qu’il s’était gouré en recopiant l’original. Nous nous pensions sortie d’affaire, nous avions eu tort. Mais hors de question de redescendre dans les entrailles de la Terre, où se cachent les monstres les plus terribles. C’est notre courage à deux mains que nous explorons les alentours, à la recherche de points de repère qui pourraient nous mettre sur la bonne voie. Les gens font peur à voir.
Des vampires vomissent, des infirmières titubent et des momies sont à quatre pattes, traînées par des loups-garous. Mais où sommes nous ? Nous croisons de plus en plus de gens louches, attroupés telle une meute attendant l’ouverture du repas. Nous remontons l’allée monstrueuse et certains nous lancent des regards noirs et d’autres vitreux. La plupart crie. Nous nous attendons à voir s’ouvrir devant les portes du purgatoire. Et c’est à peu de chose près le cas. Nous nous retrouvons nez à nez avec le Coronet ! Une grosse boîte de nuit de Elephant & Castle. Ce qui explique les gens très louchent ! Nous savons où nous sommes. Nous sommes sauvés.
Les derniers mètres se font donc dans la joie et la rigolade. Les rires nous décrispent.
Merci Londres pour ce 31 octobre. Je pense que je peux le dire : Best Halloween ever !