Dans les années 2030, l’État français est criblé de dettes. Les villes lui coûtent cher, très cher. Dans son incapacité à gérer le pays, il fait ce qu’il sait faire de mieux, réduire les budgets. Et dans les cas où cela ne suffit pas, il va jusqu’à privatiser les villes, les vendant aux plus offrants. Paris est tombé sous le giron LVMH, Lille sous Auchan et Orange, sous Orange, dans un soucis économique puisqu’il n’y a pas à changer le nom de la ville.
C’est dans cet écosystème que les inégalités se créent au fil des ans, rendant la vie un bien que l’on peut acheter, à coup de pass privilège et premium, ouvrant des artères de rue, des parcs et autre lieux de vie, interdits aux pauvres, les standards ou pire, les sans bague, cet engin de contrôle que chacun a demandé à passer à son doigt, mariage consommé entre le capital et l’humain. Tracking, mapping, scanning, la data est reine. No data no business.
Mais dans ce monde plus totalitaire que sécuritaire, des êtres échappent au contrôle. Un centre de l’armée, le Récif, les appelle les furtifs. Des meutes de chasseurs son entraînés à les chasser pour les capturer et ainsi analyser ce qui fait d’eux des êtres si exceptionnels.
C’est dans cet optique que la meilleure meute, celle d’Aguero, Saskia et Ner accueille une nouvelle recrue, Lorca, un quarantenaire ancien sociologue. L’objectif est clair, attraper un furtif vivant. Mais pour un être si incontrôlable, la survie de l’espèce les pousse à se suicider par céramification dès qu’ils sont vus, rendant impossible toute tentative de test. Mais la meute est exceptionnelle et pourrait bien recueillir des informations cruciales pour faire avancer la connaissance sur les furtifs.
Alain Damasio est sur son terrain de jeu préféré, à savoir le totalitarisme numérique, accepté voire plébiscité. Attendez-vous à vous prendre une grosse claque ! Si le roman reprend des sujets déjà effleurés dans ses précédentes œuvres, l’étouffement et le besoin de fuite que procure les furtifs est à la limite du supportable. Observez le monde actuel, poussez un peu plus loin les concepts existants et imaginez comment, sous l’excuse de la personnalisation et de l’optimisation, nous pourrions arriver à ce monde décrit par Damasio. Si cela prête à sourire, jetez un coup d’œil à la Chine.
L’Homme n’aime pas le chaos et cherche à contrôler tout ce qui l’entoure, pour le bien commun, comme dirait Grindelwald. C’est fou comme comme chaque application de mon smartphone a besoin de connaître quand je vais aux toilettes pour me proposer la meilleure expérience possible. Vous comprenez, enfermer les gens dans ce petit écran est leur but ultime et pour ça, les milliards pleuvent, plus intéressés qu’ils sont par le numérique que par l’humain.
Quel beau monde que celui dans lequel nous vivons.
Alors de mon côté je me bats à ma manière; je refuse tous les cookies, refuse de m’authentifier sur les sites, navigue en mode privé pour les recherches importantes, refuse les programmes de fidélisation, rejette Amazon et essaie de sortir des applications Google. Est-ce utile ? Très franchement je ne sais pas, surtout sachant que les trackers de mes amis traquent aussi mes données. Horrible est cette sensation d’être la vache à lait à qui l’ont boit nos données par kilo litre à en vomir. Raisonnons-nous. Lisez Alain Damasio, lisez les conditions générales d’utilisation de ce que vous utilisez, prenez conscience de tout ça et parlez-en autour de vous. Après la prise de conscience individuelle viendra la prise de conscience collective.
À bon entendeur.