Étiquette : Chronique Littéraire

  • Kim jiyoug née en 1982 de Cho Nam-Joo

    Kim jiyoug née en 1982 de Cho Nam-Joo

    Qu’est-il arrivé à Kim Jiyoung pour qu’un jour sa personnalité se fragmente en plusieurs autres femmes qu’elle a côtoyées ?

    La vérité peut paraître compliquée et pourtant, il n’y a rien de plus simple. La réponse tient même en une seule phrase :

    Kim Jiyoung est coréenne.

    Voilà.

    Grosse révélation, non ?

    Non ?

    En effet, pas trop. Surtout quand on connaît la place que tient la femme en Corée du sud. Vous ne connaissez pas ?

    Simple !

    Enfin pas tant que ça.

    Imaginez une femme en France.

    Imaginez pire.

    Sur du papier numérique, ça semble simple. Les hommes imaginent. Les femmes imaginent. Mais il y a celles qui imaginent bien et ceux qui imaginent moins bien. Pourquoi ? Parce qu’il y a celles qui le savent et il y a ceux qui croient le savoir.

    – Alors oui attention, nous allons généraliser. En 2020, nous généralisons. C’est comme ça. –

    Kim Jiyoung est donc née en Corée du sud en 1982. Hypothétiquement. Rappelons qu’à la base, c’est une fiction. Kim Jiyoung est donc née hypothétiquement 2, 4 et 7 ans avant, respectivement, mes deux frères et moi. Pas tant en décalé que ça donc, puisque j’ai des cousines plus vieilles qu’elle ne le serait.

    Et pourtant, il y a un monde entre Kim Jiyoung et moi. Ou mes frères. Ou mes cousines.

    Et c’est ce que Cho Nam-Joo essaie et réussi à nous faire comprendre. Car même si Kim Jiyoung n’existe pas (bien qu’il existe forcément plusieurs Kim Jiyoung dans la vraie vie et qu’au moins une ait pu naître en 1982), ce roman est inspiré de faits réels. Réels car ils arrivent tous les jours. Pendant que j’écris ces lignes, pendant que vous les lisez. Et là. Là aussi. Encore maintenant. Et…là ! Vous avez compris le principe.

    Plus qu’un roman, Kim Jiyoung née en 1982 est un article sur la place de la femme enrobé d’une histoire chronologique pour nous faire comprendre cette place de la femme en Corée du sud. Un des pays où ses droits et libertés sont les moins respectés. Et encore, c’est un euphémisme. Mais par cette analogie entre fiction et réalité, Cho Nam-Joo nous amène à ouvrir les yeux sur la condition féminine dans sa globalité. Car chaque passage de sa vie est agrémenté de statistiques bien réelles sur les salaires, les taux de natalité, les pourcentages de femmes au foyer, etc. qui viennent étayer ses propos. Donc même avec la plus mauvaise foi du monde, bon courage pour les réfuter.

    Alors préparez vous à une claque, de plus ou moins grande intensité, car elle arrive. Au fur et à mesure de votre lecture, vous repenserez à vos actes, à vos paroles, ainsi qu’aux actes et aux paroles des autres, femmes ou hommes. Vous y repenserez et mettrez ça en perspective, sous un jour nouveau. Car une simple phrase peut être interprétée de très nombreuses manières en fonction du vécu de la personne. Et vous ne l’aurez surement pas fait exprès. Mais vous l’aurez dit.

    Seulement maintenant, vous savez. Vous pouvez donc agir, faire en sorte de ne plus répéter ces erreurs qui peuvent paraître pour vous anodine mais qui au final peuvent blesser.

    Nous y pouvons tous quelque chose.

    Et la première chose à faire est de lire Kim Jiyoung née en 1982 de Cho Nam-Joo.

    Parce que j’ose croire qu’il y a un avant et un après.

  • Le temps fut de Ian McDonald

    Le temps fut de Ian McDonald

    Emmett Leigh, bouquiniste indépendant, est avec les autres vautours autour du cadavre encore chaud d’une librairie qui vient de fermer, comme il arrive de plus en plus souvent.

    Son truc à lui, c’est les bouquins sur la guerre. Il y aura toujours des gens pour s’intéresser à la guerre. Et s’il y a des notes, des cartes, des bribes de vie en plus, il sait qu’il pourra en tirer un prix encore plus intéressant.

    Dans les entrailles de la librairie, il déniche un étrange roman intitulé Le temps fut, publié à compte d’auteur par un certain E.L. À priori, rien de bien passionnant. Ce qui a pourtant intéressé Emmett, c’est le petit bourrelet qu’il a senti à l’intérieur et qui se traduit par quelque chose qu’il pourra surement monnayer à bon prix.

    Ce qu’il y découvre par la suite, en rentrant chez lui, est une histoire d’amour homosexuelle entre deux soldats pendant la guerre. De quoi aiguiser son appétit et lui donner envie d’en savoir plus sur ces deux hommes et leur histoire dans ce milieu très masculin qui a du mal à accepter la différence.

    Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que cette histoire d’amour est tout sauf banale. Et que plus il en apprendra, moins il ne comprendra.

    Ce très court roman de Ian McDonald, m’a, je le concède, tenu en haleine. Lu en une journée grâce à un aller/retour Paris/Lille en train, ce cadeau de Cynthia m’a intrigué. Tel Emmett Leigh, je voulais connaître et comprendre l’histoire de ces deux hommes.

    La durée du roman (une centaine de pages) fait que je ne peux pas réellement vous en parler plus. Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est que j’aurais voulu plus de matière avant le dénouement. J’ai en effet trouvé cette fin un peu abrupt. L’idée est excellente et je ne recule jamais devant un long roman quand il est bon. D’autant que le style d’écriture sec, court et sans fioriture de l’auteur nous faisait avancer rapidement, de saut de puce en saut de puce, jusqu’au grand saut de kangourou, vers la fin de l’énigme. Dommage.

    Un bon roman de coupure donc, après les 4500 pages de la Compagnie noire, mais qui aurait vraiment mérité plus selon moi.

  • Les annales de la Compagnie Noire de Glen Cook

    Les annales de la Compagnie Noire de Glen Cook

    Après 4500 pages, je vous avoue qu’il y a tellement de choses à dire que je ne sais pas par où commencer. Je ne voudrais pas vous spoil et donc il serait préférable que je me contente seulement du résumé du premier tome de l’intégrale. Mais c’est tellement réducteur ! Dîtes-vous qu’il se passe environ 50 ans sur 4 tomes. Et vous vous doutez qu’en 50 ans, à suivre des mercenaires qui passent de missions en missions contre rémunération, il s’en passe des choses !

    Nous suivons donc la Compagnie noire. La dernier compagnie franche du Kathovar. Ce qu’est le Kathovar, personne ne le sait. Même Toubib, l’annaliste de la Compagnie, l’homme en charge de tenir les annales, la vie de la Compagnie, ne le sait pas. Après des centaines d’années sur les routes, il y a bien longtemps que les premiers membres de la Compagnie sont morts et enterrés, dévorés par les vers. Mais l’annaliste garde leur mémoire, afin que personne ne soit oublié, de l’Empire à la plaine scintillante et au-delà.

    Nous suivrons ces hommes au travers de leurs missions, dans leur plus cruelle tâche, l’élimination des ennemis de leur employeur. Et tant pis si l’employeur s’avère être détestable, sanguinaire et psychotique. La Compagnie noire honore toujours ses contrats. Sauf s’il est d’abord bafoué par l’employeur et dans ce cas, la vengeance est terrible et se consomme de suite si possible.

    Le bien, le mal, pour la Compagnie, ces termes n’existent pas. Il n’y a que des bons ou des mauvais payeurs. De toute façon, chaque camp donnera toujours sa version des faits déformés d’une même histoire. Alors dans de telles situations, pourquoi s’attarder sur les raisons d’un conflit ? Tant qu’il y a des guerres, il y a du travail. Et tant qu’il y a du travail, les membres de la grande famille qu’est la Compagnie peuvent vivre. Et mourir.

    À bien des égards, le cycle de la Compagnie noire est un pur chef d’œuvre. Dans ce cycle de fantasy, pas besoin de dragons, d’elfes ou de nains. La cruauté des Hommes suffit. La vie de la Compagnie est dépeinte crument, au gré de l’annaliste, de son humeur, de sa participation aux événements et donc de sa vie.

    Ici la guerre est relatée de l’intérieure, avec ses joies et ses peines, par des soldats qui ne font que leur devoir, sans chercher à savoir s’ils œuvrent pour un monde meilleur. Et c’est ce qui participe à rendre cet ouvrage si puissant. Comme je le disais, il n’y a pas de bien, de mal, de héros ni de vilains, seulement des hommes vivant les atrocités de la guerre, que ce soit dans un camp ou dans l’autre. Pour la Compagnie Noire, il y a l’employeur et les autres.

    J’ai pris une véritable claque. Si chaque intégrale retrace plus ou moins un pan de vie de la Compagnie, chacune nous laisse avec son lot de mystères, éclaircissant au fur et à mesure les précédents, mais nous laissant dans l’inconnu pour la suite. Le propre des annales rend le récit lacunaire, biaisé, humain. Chaque narrateur s’attardera sur des choses différentes, enjolivera ou non son récit. Et s’il manque des informations, la vie est ainsi faite, personne ne peut être à plusieurs endroits en même temps. En tout cas pas tout le monde.

    Que s’est-il passé avant le premier tome ? Que se passe-t-il après le dernier ? La vie de la Compagnie. Depuis son arrivée du Kathovar, elle trace son histoire, façonne et parcoure le monde au gré de ses missions.

  • La servante écarlate de Margaret Atwood

    La servante écarlate de Margaret Atwood

    La servante écarlate Margaret Atwood

    Dans un monde où la stérilité est chose commune, il est primordial de protéger la survie de l’espèce. Heureusement, dieu, dans sa mansuétude, a laissé à la population des calices, des femmes encore capables d’accueillir en leur sein la vie.

    Mais dans la société actuelle, cette société bien-pensante et légitime, la femme n’a que peu de valeur. La femme doit être éduquée, contrôlée, chacune à sa place qui lui revient.

    Avec leur robe rouge et leur couronne blanche, les servantes ne passent pas inaperçu, attirant la convoitise ou le dégoût. Pour elles, la mort serait une délivrance, une alliée. Mais une mort qu’elles choisiraient. Elle l’a d’ailleurs déjà été pour beaucoup. Sinon, la clé est le bébé, donnant accès à de nombreux privilèges et un échappatoire, même court, de quelques mois.

    Seulement elle n’a pas oublié son passé; Luke, le bébé. Et même Moira. Que sont-ils tous devenus ? Morts ?

    Si les servantes peuvent former un réseau, il est primordial de faire extrêmement attention. Les Yeux veillent au bon comportement et qui en dévie finira sur le mur, pendu, un sac en toile blanche sur la tête.

    Que s’est-il passé pour en arriver là ? Se souvient-elle ? Elle essaie en tout cas, bribes de souvenirs par bribes de souvenirs.

    Déboussolant, intriguant, la servante écarlate laisse le lecteur la bouche ouverte, dans l’incompréhension, suivant les cheminements éparpillés de la narratrice inconnue.

    J’avais voulu lire le roman avant de regarder la série et je dois avouer que maintenant, je me tâte à regarder l’adaptation tant l’œuvre de Margaret Atwood est puissante. Elle nous plonge dans une attente sans nom, à chercher à comprendre les événements passés qui ont conduit à cette société. Comment les femmes ont pu accepter ? Comment sont-ils tous devenus stériles ? Pourquoi de telles mesures ?

    Et au fur et à mesure de la lecture, nous comprenons. Sans réellement comprendre pour autant, abasourdi devant une logique implacable.

  • La daronne de Hannelore Cayre

    La daronne de Hannelore Cayre

    La daronne Hannelore CayrePatience a une vie de merde. Une vraie. Traductrice d’arabe pour la justice depuis 25 ans au black, elle n’a pas un centime de côté suite au décès de son époux, l’enseignement de ses deux filles et l’ehpad de sa mère juive.

    Elle passe ses jours à écouter les petits dealers pour les stups et à traduire les interrogatoires ainsi que les gardes à vue.

    Mais un jour, Patience en a marre de se saigner pour un boulot qui ne lui rapporte rien. Alors quand l’opportunité de récupérer des kilos d’une herbe de très grande qualité se présente, elle n’hésite pas à enfiler son plus bel hijab, acheter les gros sacs Tati et devenir ainsi La daronne.

    Ce roman désopilant pointe un doigt cynique sur la place des étrangers et leur situation sociale. L’ouvrage, très court, se lit avec plaisir. Que va devenir Patience, alias la daronne ? Il n’en fallait pas plus, pas moins. Et je ne vais donc pas en dire plus, sauf que vous pouvez y aller les yeux fermés pour une bonne tranche de rigolade franche.

  • Interception de Marin Ledun

    Interception de Marin Ledun

    Interception Marin LedunValentine est épileptique. Le mal la ronge au plus profond de son être et l’empêche de vivre une vie normale. C’est pourquoi ses parents et elle ont décidé de lui faire poursuivre sa scolarité dans une école spécialisée pour les épileptiques. Dans cet institut, tous les élèves et certains enseignements ont la même maladie.

    Au début mal à l’aise, Valentine constate que pour une fois, elle n’est pas différente des autres. Jusqu’au moment où elle aperçoit dans la cours le garçon présent dans tous ses rêves sur le labyrinthe. Elle ne peut alors réprimer la crise qui l’assaille.

    Mais dans cette école particulière, elle découvre que sa maladie est une force, un don qu’il faudra qu’elle maîtrise si elle veut comprendre la signification de ce fameux rêve, où les portes numérotées se succèdent.

    Interception est un roman plutôt court mais pour le moins intéressant. J’aurais aimé plus de détails, plus d’explications, plus de profondeur. J’ai eu l’impression de survoler l’histoire en sautant des chapitres entiers, ce qui n’est pourtant pas le cas.

    Ça n’en est pas pour autant un mauvais roman, mais je pense que malheureusement j’ai été habitué à beaucoup plus. Du coup cela m’a manqué avec Interception. Mais il a rempli à merveille son rôle de roman d’entre deux, après Harry Potter et avant une oeuvre d’Alain Damasio.

    Marin Ledun, si jamais vous lisez un jour cet article, je suis à 100% avec vous pour encore plus détailler et approfondir Interception. D’ailleurs, merci papa pour le roman et pour la dédicace : « Et si certaines maladies étaient des dons pour changer le monde ?« .