J’avance, bouclier dans la main gauche et hache dans la main droite. Je fais partie de l’avant-garde avec les autres sbires mêlés. Je peux me remémorer chacune des heures passées en entrainement comme si c’était hier. Je n’avais aucune aptitude pour la magie ou pour la mécanique, alors je me suis retrouvé là, en première ligne. À dire vrai, ça ne me contrarie pas tant que ça. J’en suis même fier. Derrière nous, ils font les braves avec leur rubans arcaniques et leurs gros canons, mais la vérité est : que feraient-ils sans nous ? Ils nous prennent pour des êtres sans cervelle, de la chair à canon, juste bons à faire diversion pendant qu’eux font tout le travail. Combien de mes frères sont déjà tombés au combat ? Et combien devront encore tomber pour leur prouver que sans nous ils ne sont rien ?
Nous rejoignons à peine les autres déjà au combat que je vois des boucliers se briser, des parchemins se déchirer. Heureusement pour eux, le renfort est là pour les sauver. Laissez passer la première ligne, cachez-vous derrière nos boucliers ! Si nous sommes unis, nous sommes indestructibles ! Je vois à ma gauche et à ma droite ma famille. Chacun de nous protège son voisin. Nous sommes une muraille, un rempart. Si l’un d’eux veut atteindre notre tour ou notre héros, ce ne sera que sur mon corps agonisant et mon bouclier brisé et souillé de son sang.
Mon champion fait pleuvoir le feu sur tout ce que son lance-flamme peut atteindre. Je suis bien content d’être à ses côtés ; son lance-flamme, en plus de nos boucliers, présente une défense infranchissable pour l’adversaire.
À distance, en défense, il en profite pour pouvoir harponner le héros ennemi et le ralentir, le laissant encore un peu plus dans les flammes. De son côté, l’ennemi n’est bon qu’à manger des oranges, essayant d’esquiver les projectiles.
Soudain, un baril apparait à mes côtés. J’attends quelques secondes mais rien ne se passe. Ta poudre serait-elle mouillée capitaine ? Un deuxième. Toujours rien. Décidément, n’as-tu rien d’autre pour sécher tes larmes d’amertume ? Mon champion décide de profiter de cet échec pour faire une percée dans la ligne ennemie, lance flamme en action. Soudain le visage du capitaine pirate change d’expression. Il lance un troisième tonneau proche de lui, arme son pistolet et déclenche une réaction en chaîne en faisant exploser son dernier baril.
J’ai à peine le temps de lever mon bouclier que je sens le souffle chaud de la déflagration. Quand je pose le regard autour de moi, je constate que je suis le seul mêlé debout. Les autres n’ont pas dû résister à l’explosion. Seul point positif, je possède toujours une armée de casters prêts à fusionner leur pouvoir à ma hache pour désagréger l’ennemi.
De prime abord, les deux champions ont disparu. En recherchant autour de moi, je distingue loin dans la rivière des jeux de lumière. Le combat doit se dérouler plus loin, sûrement proche de l’enclos du monstre légendaire. C’est donc le moment ou jamais. Je lance un cri de guerre qui galvanise mes troupes, je les sens alors enclin à me suivre dans un ultime assaut suicidaire.
Je suis le dernier rempart, je suis un roc, une montagne, un tremblement de terre et avec mon armée nous sommes un raz de marée prêt à submerger l’ennemi. Ma hache en l’air, mon bouclier en avant, je me lance sur le premier mêlé en face de moi et vois des boules d’énergie me précéder et anéantir le sbire que j’avais pour cible. Je me dirige vers un deuxième et une fois de plus, il s’effondre avant mon arrivée. Je cible alors les casters ennemis. Mon corps est à bout et il m’est impossible d’esquiver les décharges d’énergie adverses. Ma hache s’abat sur leur corps, je mobilise le peu de force qu’il me reste pour les déchiqueter, les anéantir, les détruire, les achever.
Je suis à genoux, les mains au sol, mes armes à mes côtés. Mes casters exultent. Ils m’acclament. Je relève la tête et je n’y crois pas, leur tour est sans défense. J’ai donc enfin réussi. Des ranges me respectent, moi, un mêlé.
Debout ! Je ne peux pas les décevoir, pas après ce que nous avons traversé. J’arrive à me lever et dans un dernier effort à cramponner mes armes. Le premier pas est le plus dur. Il faut relancer la machine.
Je prendrai le premier coup, les laissant dps la tour un instant avant que l’un d’eux soit le nouveau focus.
Le dernier rempart, la muraille, le roc, la montagne.
Chapitre 4 : L’arme à gauche | Chapitre 2 : Le rire de la sorcière | Prologue
Illustration de Théo Allard.